Article publié dans le magazine Créola mai 2024
La trentaine bien entamée, un boulot que vous tolérez, un cabri en animal domestique, une famille qui vous aime (quoique trop intrusive) et un chéri avec qui vous êtes en tchè koko... vous vous sentez plutôt bien dans votre peau et dans votre vie.
Cependant, cela fait bien deux dizaines d’années qu’un bruit sourd s’est installé dans votre quotidien. Tout d’abord quelques réflexions éparses puis une fréquence de plus en plus rapprochée. Alarmistes, menaçantes et omniprésentes vous êtes bien obligée de reconnaître qu’elles s’adressent surtout aux femmes.
C’est tatie Mireille qui ouvre le bal le jour de votre quinzième anniversaire. Elle avait soufflé les bougies de votre mont-blanc coco avant de vous le retirer des mains car « pas de gâteau = pas de gras ! ».
A 22 ans, c’est le petit-ami de l’époque qui vous dira que « passé 25 ans, vous devenez toutes flasques et alors après 30 ans : c’est terminé, c’est la date de péremption ! ».
Dès l’âge de 26 ans, le thème « maternité » n’a plus quitté votre quotidien. « Et le bébé, c’est pour quand ? » « Attention, plus tu vieillis, plus c’est compliqué ! » « Fais ton bébé, dépêches-toi ma fi ! » « Si tu ne donnes pas un enfant au gars, boug la kay pati ! »
Vous ne vous posiez même pas ces questions, mais d’autres s’en chargeaient à votre place sous couvert de bienveillance…
C’était assez gênant, mais la pirouette du « oui pa ni poutchi » vous offre la paix pour quelques jours.
Au fil des années, voyant croitre le nombre de personnes qui s’intéresse à votre intimité… vous en parlez à votre confidente lors d’un de vos après-midi « milans & gâteau coco ».
Anne-Marie votre voisine, maman d’un petit Mathurin, vous tend un verre de mabi et vous explique : « Ma chérie, c’est exactement la même pression qu’on me met pour avoir un deuxième enfant ! On me dit que je vieillis, an ich pa ich et j’en passe ! ».
Ce jour-là, Anne-Marie vous révèlera que sa femme et elle ont eu recourt à la PMA (Procréation médicalement assistée) afin de donner naissance à un second enfant, sans succès.
Vous êtes dépitée : il n’y a donc aucune réelle ressource face à ce fléau qui commente chaque étape de la vie de votre corps ?
Vous rentrez bredouille.
A la maison, votre compagnon n’est pas plus avancé. Il se sent complètement impuissant face aux intrusions désobligeantes, d’inconnus, de collègues ou de membres de votre famille.
Vous décidez alors d’adaptez vos tenues afin de moins attirer l’attention sur ce qui est désormais le centre d’intérêt chez vous : votre corps.
Avec le cycle hormonal, ce dernier enfle et désenfle… ce qui est tout à fait… normal.
Mais bon, puisque c’est ce qui pose problème, les robes amples deviennent vos meilleures alliées !
Un matin au travail, lors de votre tournée habituelle, parée de votre plus belle robe-parachute vous abordez avec le sourire les différents services. Ce jour-là, vous n’avez pas de maquillage car vous vous êtes trouvé resplendissante ainsi.
Vous croisez Théophile, un collègue qui vous salue : « Mais on a pris des formes ! Tu as grossi là, il faut faire attention !»
Ce jour-là, contre toute attente, le silence habituel a laissé place à votre alter-égo lassé mais serein, drôle et sans filtre : « Entre ton ventre et ta calvitie le temps ne t'a pas épargné non plus mon pauvre ! ».
Théophile bafouille et il continuera dans votre dos car vous poursuivez votre route.
Stylo à la main, vous notez scrupuleusement les informations dont vous avez besoin quand soudain, après un rapide coup d’œil sur votre abdomen, une collègue demande : « le petit bébé c’est pour bientôt j’espère ?».
Vous répondez surprise et amusée à la fois : « Je n’ai pas vu à quel moment mon utérus est sorti de mon corps, a atterri sur la table… Là, publiquement, sans invitation ! »
Ouverture des yeux, ouverture des narines, regard estébékoué, la collègue se rapproche alors que vous vous éloignez : « Non mais… tu sais ma chérie… ma nièce m’a dit qu’elle ne veut pas d’enfant… mais vous finirez seules ! ».
Vous continuez à avancer et répondez : « Il y a pourtant un grand nombre de parents qui finissent seuls dans leur grand âge. »
En repensant à cette journée, vous vous dites que mettre les gens face à leur propre comportement est la meilleure des réponses que vous ayez eu jusqu’à maintenant. Le malaise change de camp et il ne reste plus qu’à les regarder se débrouiller avec ce qu’ils ont créé.
Vous vous rendez compte que les remarques sont souvent empreintes de la peur de ceux qui la formule.
Questionner la maternité c’est particulièrement indiscret, chercher à savoir ce qui se passe dans le corps de quelqu’un ou commenter l’apparence de ce dernier est malsain.
Désormais vous êtes parée et il n’est plus question de se cacher sous des vêtements trop larges ! Si la bienveillance ne vient pas des autres, elle viendra de vous… pour vous !
Veillons-bien à ne pas laisser nos mots dépasser notre pensée, car derrière chaque réponse possible se cache peut-être une lectrice de ce Mi Bab !
Comments