Tantôt modèle, tantôt créatrice de contenu, tantôt modeuse, Joane Turlepin nous dévoile
une autre corde à son arc : l’écriture.
Puisant son authenticité dans ses origines caribéennes (Saint-Martin et Guadeloupe), cette
femme a décidé de participer à la transmission de l’histoire des afro-descendants.
En Décembre dernier est sorti le premier roman graphique de la collection Héritage &
Hommes ou femmes, il s’agit de donner une chance au monde de découvrir le parcours de
personnalités qui ont pu influencer leur époque.
Ce premier numéro est 100% féminin. Une audacieuse qui célèbre d’autres audacieuses !
1. Quelles sont les personnalités du premier roman et pourquoi les avoir choisis ?
J’ai choisi de présenter trois personnalités éloignées géographiquement avec des
parcours de vie totalement différents à des époques différentes mais qui ont bien
une chose en commun, l’audace.
On commence avec la célèbre Rosa Parks dont ne connait que certaines brides de
son histoire, notamment l’histoire du bus. Mais est-ce qu’en entendant son nom on
s’imagine qu’elle n’a pas été la première à refuser de céder sa place dans un bus à
l’époque ségrégationniste ? L’idée est de raconter son histoire dans sa globalité et ce
dès son plus jeune âge, pour mieux comprendre l’environnement dans lequel elle a
grandi.
Ensuite on enchaine avec l’histoire de Renée Reynaud, la fondatrice des pâtisseries
Renée que l’on ne présente plus en Guadeloupe. Son histoire est formidable et me
tient particulièrement à cœur. Une femme de Basse-Terre orpheline, élevée par sa
tante qui décide d’ouvrir une pâtisserie sans fonds propres afin de subvenir au besoin
de sa famille. Sept enfants à nourrir, le salaire de son mari en dents de scie. Et 60 ans
plus tard, une chaine de restaurant portant son nom est gérée par ses fils et petits-
fils. Vous imaginez ? Et ce qui est beau dans cette histoire, c’est qu’elle est encore
vivante. Bientôt 94 ans, et elle a pu voir l’évolution de ce son « rêve fou ».
Et pour finir l’audacieuse Surya Bonaly. Beaucoup ont vu à la télévision son salto
arrière sur glace, une figure totalement hors norme mais tellement belle. Certains se
rappellent de l’ignominie de son traitement. Mais ce que je trouve beau aussi injuste
que ça l’ait été, c’est de voir l’audace, la volonté et la combativité de cette grande
dame et ce à un très jeune âge.
2. Le contenu audio et vidéo sont des supports qui prennent de l’ampleur. Pourquoi
l’écriture ? Avez-vous l’intention de faire du contenu audio ou video par la suite ?
Très bonne question. J’ai envie de dire pourquoi pas ?
Je suis la première à faire des vidéos et en consommer à longueur de journée, pour le
travail et pour le plaisir. Mais le livre est pour moi ce qu’il y a de plus précieux. Je
trouve que l’écriture et la lecture permettent de toucher en profondeur. On est dans
une société de consommation, je n’apprends rien à personne. Alors on passe notre
temps à consommer des vidéos, à stimuler en excès et constamment notre cerveau
sans le permettre de se poser. En écrivant, j’arrive à poser mon esprit – ce qui n’est
vraiment pas facile. C’est apaisant. Alors soit les textes ne sont pas toujours très
bons, mais c’est tellement plaisant. Je dirais même que ça devient addictif de pouvoir
user les mots pour écrire ce qu’il se passe dans ma tête. Je dis souvent que je mets
des mots sur mes maux. Et vraiment ça guérit.
Alors c’est sûr dans ce livre je ne parle pas de mes maux, mais l’écriture a vraiment ce
pouvoir de guérison et de transmission. C’est un moment pour soi.
Je ne suis pas fermée à l’idée de faire de l’audio ou de la vidéo pour ce projet, il y a
déjà un compte instagram donc pourquoi pas. Je ne me mets juste pas de pression. Si
l’opportunité se présente je prendrai le temps de l’étudier.
3. Pouvons-nous considérer la collection comme un outil éducatif destinés aux jeunes
et aux moins jeunes ?
C’est l’idée même de ce projet. J’aime l’idée de transmettre quelque chose. Je le dis
dans l’introduction du livre d’ailleurs, l’idée est vraiment que la collection devienne
un outil familial.
Une lecture assez simple, quelques images pour se plonger dans l’histoire des
personnages et surtout des pages que je dirais presque d’introspection. L’idée est
vraiment qu’après les biographies des personnages, on prenne le temps de se poser
des questions essentielles sur nous-mêmes. En quoi ça peut m’inspirer ? En quoi son
histoire peut m’aider ? Parce que nous restons un, dans un collectif et on gagne tous
à apprendre de l’autre. Et sans le savoir nous aussi on inspire l’autre. Alors oui c’est
un outil pour prendre conscience de la grandeur de nos histoires et si ça peut aider,
ou enseigner une leçon de vie à une personne peu importe son âge, l’objectif sera
atteint.
4. Pensez-vous que ec type d’ouvrage a manqué auparavant ?
Il y a 20 ans oui. Mais maintenant on en trouve de plus en plus et je trouve ça génial !
Je n’ai rien inventé, il y a des ouvrages qui parlent des belles histoires des
afrodescendants. Chasue ouvrage avec sa touche personnelle. La mienne reste la
valeur humaine et surtout découvrir comment nos histoires créoles sont tout aussi
belles que celles décrites dans le American dream.
J’ai beaucoup de gratitude pour ce mouvement de conscience collective. Et je ne
parle pas de révolte ou autre. Là n’est pas le sujet. Je parle vraiment de cette ère où
nous prenons le temps de chercher, de nous renseigner sur nous même, de nous
apprécier. C’est beau. Je suis reconnaissante d’être dans cette époque où l’on s’aime.
En tout cas je parlerai pour moi, je nous aime, nos histoires avec leurs hauts et leurs
bas. C’est magnifique.
5. Quelles sont les femmes audacieuses de votre entourage ?
Ça sera un classique mais je le dis quand même. Ma maman. C’est une femme
formidable. Parfois je me dis que je devrais écrire sur elle, sa vie. Une détermination
d’acier, une audace insoupçonnée, un vécu assez romanesque tant il fut rempli de
rebondissement, et le tout avec un regard rempli de malice. De l’audace si forte
qu’en réalité je la qualifierai de foi inébranlable. Cette foi de sauter sans savoir quand
et comment elle va atterrir.
Et après le classique de la maman, certains trouveront ce choix presque prétentieux
mais je le dis le sourire en coin. Moi.
J’ai beaucoup refusé que l’on me qualifie d’audacieuse depuis la sortie du livre. Parce
que je ne suis pas la première à écrire un livre. Mais la petite fille qui vit au fond de
moi, cette Joane de 6 ans, elle me trouve audacieuse. Audacieuse d’avoir osé rêver et
de l’avoir fait. Et j’ai toujours cette petite larme qui me monte à l’œil, parce que j’ai
eu l’audace d’aller jusqu’au bout pour elle. Pour moi.
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